LE BEAU MINEY YSL

Un film sur Yves Saint-Laurent ? Mais, moi qui l'ai suivi, admiré, raconté, j'avoue ne pas l'avoir retrouvé dans le long-métrage que lui consacre Jalil Lespert, avec Pierre Niney dans le rôle d'Yves et Guillaume Gallienne dans celui de Pierre Bergé ? déclare Janie Samet.

Il avait 18 ans quand je l'ai rencontré pour la première fois. C'était à l'occasion d'un concours organisé par le ­Secrétariat International de la Laine. Il enleva le premier prix avec le croquis d'une robe de cocktail qui sera réalisée dans les ateliers d'Hubert de Givenchy. 

Deux bleus paralysés de timidité faisaient ce jour-là connaissance. Il disait : «L'élégance, c'est une robe trop éblouissante pour oser la porter deux fois. J'aime l'excentrique, le drôle, l'inattendu. Je rêve de rentrer comme modéliste dans une maison de
couture, de créer des modèles sur lesquels on se retourne…»

La suite, on la connaît… Abandonnant le notariat auquel son père le destinait, Yves formatera l'élégance de la femme moderne. Avec le caban, le blouson de rocker, la saharienne, le tailleur-pantalon et le smoking, Yves inventera son uniforme.

Ses antennes et son génie lui vaudront trente ans de gloire et d'angoisse. De triomphes en dépressions, le film, qui raconte ses vingt premières glorieuses, montre comment il bénéficia d'une double chance à ses débuts : de devenir l'assistant de Christian Dior, avant de lui succéder un an plus tard ; et, du jour de sa première, avenue Montaigne - qui fut un triomphe dont on n'a pas idée et que le biopic réduit à un gentil succès dans un salon à peine plus grand qu'un boudoir - enfin, d'y rencontrer l'homme de sa vie, Pierre Bergé, qui allait faire son bonheur, sa fortune et sa gloire…

Yves aimait le monde de la nuit, la fête et le sexe. Entre démons : tranquillisants, cocaïne, et sexualité débridée, il brûle sa vie entre sexe et drogues pour ressusciter le jour de la collection sous des salves d'applaudissements. À un journaliste qui l'interroge sur son plus grand bonheur, on l'entend répondre dans un éclat de rire: «Un lit bien rempli…». 

Mais, pour moi, Yves fut autre chose que ce bambochard surdoué dont le grand public risque de ne retenir que l'image de mauvais garçon. S'il fut ce jeune homme fou et vulnérable, il fut aussi un monument, une légende qui connaîtra de son vivant la gloire que l'on réserve normalement aux disparus. 

Un matin, il téléphone à François Lesage le priant de venir le rejoindre avenue Marceau. ­Lesage arrive à cent à l'heure. Yves désigne le miroir encadré de bois doré de son bureau et lui dit: «Ce reflet de soleil et de ciel bleu sur la glace, faites-m'en une broderie pour la collection. J'en ferai une veste du soir : la robe de peau d'âne.

J'ai connu Saint-Laurent. Mais, comme tout artiste qui se respecte, je l'ai connu au travers de son oeuvre car chacune de ses oeuvres est le reflet de sa personnalité, de ses angoisses et de ses démons.



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