LES ENNEMIS DE LA MODE

Entre dénonciations publiques et démissions foudroyantes, les lanceurs d’alerte de la mode arriveront-ils à redonner une conscience à cette industrie?

En 2015, Givenchy a fait défiler des mannequins la bouche bouclée par des piercings - un clin d’œil adressé au monde de la mode. Le milieu est, depuis quelques années sous le feu de critiques, lâché non pas par des acheteurs mécontents mais par les professionnels de la mode, qui dénoncent les dérives de leur propre industrie. 

Quant à Alber Elbaz, créateur d’une légendaire discrétion, a quitté la Maison Lanvin après un long réquisitoire sur les dérives du système lors de la "Fashion Group International Night of Stars" à New York. « Nous vivons un changement d’époque, analyse le journaliste de mode Anonymode, consultant en communication.
Les lanceurs d’alerte contournent les circuits d’information officiels et leur parole est de plus en plus reconnue.» Mais avant que la mode ne prépare sa révolution interne, il lui reste encore quelques logiciels à hacker et, en premier lieu, l’amnésie internationale.

Voici les quatre points à supprimer impérativement :

L'ennemi n°1 : le syndrome découverte du monde - Après la diffusion de la vidéo "petage de plomb" du mannequin Essena O’Neill, qui a quitté Instagram après avoir expliqué à ses 600.000 abonnés, la voix pleine de larmes, que tout ce qu’ils voyaient d’elle était faux. Ils apprennent à leur dépens que le monde de "Oui, Oui" n'existe pas, et qu'il y a aussi des gens qui n'aiment pas ces instagramers

L'ennemi n°2: supprimer le favoritisme - Parce qu’elle s'appelle Vivienne Westwood, Vivienne Westwood a pu stationner son char d’assaut devant le domicile du Premier Ministre Britannique pour protester contre le gaz de schiste. Mais, quand on est moins iconique, « il est préférable de se faire discret », car les gens de la mode veulent être des redresseurs de tort envers ceux qui ne pensent pas comme eux.

Ennemi n°3 : supprimer les opportunistes, juste avant qu’Alexander Wang quitte Balenciaga, la rumeur de son départ a jeté un coup de projecteur sur sa dernière collection. Et les «fuites» sur internet des collections de Kanye West en mars et de Balmain x H&M en octobre, ont fait monter l’hystérie-mètre. Et, si les lanceurs d’alerte avaient juste à manier le "leak" pour avoir les médias avec eux ? C’est le soupçon qui a pesé par exemple sur Cara Delevingne. Après avoir quitté le monde de la mode sur une question de principe, elle a déclaré au Times que « le mannequinat ne l’avait pas fait grandir en tant qu’être humain ». Elle a annoncé lors du sommet londonien "The Women in the World", qu’elle avait toujours voulu être actrice, en pleine promo de son premier film.

Ennemi n°4 : Promouvoir les citoyens - Rares sont les "insiders" qui mettent en avant leur engagement politique. Le mannequin Jera, qui a défilé avec une pancarte «Please Kill Angela Merkel, Not », a été giflé en coulisses, et viré sur le champ. En septembre, chez Naco Paris, la dénonciation, à l’occasion des 15 ans de sa marque, de la situation des réfugiés sur son catwalk n’a pas été bien accueillie. «J’ai même perdu un client pour qui, les réfugiés, c’est sale», confie-t-il.

Les consommateurs ne peuvent pas transformer leur engagement intellectuel en acte d’achat, faute de choix. On soutient donc la proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères, actuellement en discussion au Sénat.

Pourtant les marques repèrent les signaux faibles et se donnent les moyens de révéler leurs propres fêlures. Les lanceurs d’alerte, dont je fais partie, divulguent les signes avant-coureurs d'une catastrophe à venir.

Anonymode.

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